Une offre qui ne se refuse pas

Publié le par Hesiem

Traduction d’un article récent publié sur le journal SCMP.

Une offre qui ne se refuse pas (
An offer you can't refuse) ~~~

Hua Xinming est une légende vivante, soldat solitaire se battant pour la sauvegarde de l’héritage culturel Pékinois – héritage dans lequel les autorités locales ne voient aucune valeur à sauvegarder. C’est virtuellement une idole du folklore local dans les vieux quartiers de Pékin, là où elle passe de maison en maison, organisant la lutte des vieillards contre la démolition de leurs habitations.

Les différents quartiers des vielles cours carrées de Pékin représentent un véritable héritage culturel et architectural. Mais les batailles de la résistance organisée face aux destructions ont toutes échouées. En définitif, les promoteurs vinrent aussi démolir la maison de Mme Hua.

Ses filiations avec la ville sont pourtant irréprochables, tout comme ses références. Son père, quasi centenaire, était l’architecte en chef de l’Institut de Pékin pour le design et la construction et sa mère était française. Le grand-père de Mme Hua fut le premier architecte en chef de la ville de Pékin. Sa famille a apporté une aide considérable pour le gouvernement de la ville. En guise de remerciements : L’envoi d’une bande de malfrats venu lui annoncer la démolition de son logement.

Mme Hua s’est défendue en portant l’affaire devant les tribunaux plaignant contre la Beijing Capital Planning Commissions. « Ce n’est pas uniquement un cas personnel », raconte Mme Hua aux médias de la ville. « Telle que vous me voyez au milieu de ma propre cour carrée, j’ai été victime de menaces et de pressions de la part d’inconnus ayant pénétrés dans ma propriété, ce n’est pas uniquement un problème personnel ». Mais elle a perdu cette bataille et la maison familiale fut démolie en début d’année. Le cas défendu par Mme Hua fut certainement le dernier d’une longue liste de cas perdus : Même l’intervention de certains universitaires de réputation nationale allant jusqu’à supplier certains officiels de sauvegarder cet héritage culturel ne pu changer la donne.

Le cas de Mme Hua est venu éprouver les fondamentaux de la loi sur la propriété privée en Chine – Le droit de vivre dans sa propre maison. Le problème n’est pas de savoir si ce droit est protégé par un arsenal législatif, mais plutôt le problème posé par le non-respect de ces lois par des gouvernements locaux. Le processus d’expropriation et de démolition des habitations n’est pas compliqué. Les promoteurs locaux, les gérants des succursales bancaires et les commissions d’approbations se réunissent ensemble selon un intérêt commun, d’autant plus que les sociétés qui s’occupent des expulsion sont souvent contrôlées par des organes émanant des gouvernements locaux. Il s’agit souvent de sociétés écrans qui sous-traitent le sale boulot à des organisations mafieuses. Tout est organisé de manière à réduire au maximum les compensations prévues par la loi.

Au 1er jour d’une expulsion, les habitations du quartier sont placardées de notices d’expulsions. Sous le choc, les habitants se réunissent pour discuter de la façon de négocier et se battre contre les expulsions. Pendant la nuit, des gangs maraudent dans le voisinage, cassent des vitres, etc. Le jour suivant ils reviennent négocier avec les habitants, n’offrant que des compensations inférieures à ce qui propose la loi en matière d’expulsions. Face à la colère des habitants, les compensations sont à nouveau diminuées. Le message est pour le moins clair : C’est une offre qui ne se refuse pas. Il y a même des cas ou des gangs s’en prennent aux habitants en les attaquant. Dans bien des cas, le réflexe est de plier bagage et de partir avec la compensation offerte.

Les lois chinoises en matière de constructions et de propriété immobilières sont sensées, en théorie, protéger les droits du propriétaire. Mais lorsque le pouvoir central s’occupe de promouvoir les lois, il en revient aux gouvernements locaux de s’occuper de l’application des lois. Malheureusement, si les pouvoirs locaux n’appliquent pas les lois, il n’y a pas de recours possible et les pouvoirs centraux sont bien démunis pour forcer la bonne application des lois au niveau local.

Lorsque les malfrats se sont présentés au domicile de Mme Hua, le document d’expulsion faisait référence à un terrain vague, sans murs ni maison et surtout sans résidants. En résumé, ils appliquaient le mode de calcul des terrains nus de la périphérie de Pékin à une habitation situé au cœur de la ville.

Un ancien résidant Pékinois se remémore son aventure face à la clique venu l’expulser : « Je leur ai montré le document publié par la municipalité de Pékin concernant les indemnisation légales dues lors d’expropriation. Les chef de la bande m’a alors regardé et dit : « Et alors ? Je ne peux lire les lois car je nais pas lire. Mais on s’en fout parce que nous sommes la loi »

Hesiem, Beijing (Chine)

Publié dans Traductions

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A
Ah, les maisons à cour carrée... celles qui sont restaurées sont hors de prix et celles qui ne le sont pas sont invivables (je suis même pas sûre qu'il y ait le chauffage autre qu'un poële au charbon et l'eau courrante). Ceci dit, la propriété privée est un problème en Chine, et ça se voit dans toutes les sphères, même familiale - ce qui est à toi est à moi, pas ou peu de respect de la sphère privée... Remarque, en France, quand on t'expulse pour constuire une autoroute, une ligne de chemin de fer, ect, c'est pareil. On te fait une offre, et si tu refuse, tu risque de te faire virer sans aucune compensation...
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E
Ca me rapelle le documentaire qui a été diffusé sur Arte hier soir, à propos des expulsions des villes inondées par le nouveau barrage (cas de Fengjie de 2002 à 2004).C'était très poignant, même si ça ne va pas aussi loin dans la critique des méthodes mafieuses.http://www.arte-tv.com/fr/connaissance-decouverte/chine/1150854.html
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J
Écoeurant. D'autant qu'ils sont en train de brûler la poule aux œufs d'or.
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